Textes et compositions


  • Au printemps, disais-tu
  • Berceuse
  • Lueurs nomades
  • Söğüdün, söğüdün, söğüdün
  • La valse des ombres
  • Ikizim – This seemed to begin an age
  • Voyage d’automne
AU PRINTEMPS, DISAIS-TU
 
En rêve, j’ai franchi des ponts éclatants de givre
Traversé des forêts opaques dans le chant des grives
Toute la tristesse du ciel d’hiver 
Dans mes paumes vides et ivres 
Brisé le jade, broyée la rose 
Tranchés, les liens de vent et de poussière
 
La lune s’amenuise, la coupe d’huile s’épuise 
J’ai tant soupiré, que mon cœur se brise
 
Neige et rosée ont blanchi ma chevelure
L’un après l’autre j’ai regardé passer les jours
De vent, les nuits de lune
L’arbre de l’attente, je l’ai étreint jusqu’à la sève noire 
Nuages de l’aube, lampe du soir
Les jours de bonheur sont plus courts qu’un empan
Le sol est jonché de fleurs et partout règne l’absent 
 
Cet aparté infernal 
Qui ne cesse jamais
En faveur de la vie rêvée
Puisque c’est ça, en définitive, le plus important
 
Au printemps, disais-tu 
Le vin nous verserait une douce ivresse
Le mot union gravé jusque sur nos os
 
Nous viderions la coupe du serment
Tu daignerais te pencher sur mes ans
On compte les défauts de celui qu’on attend 
 
L’écheveau de soie embrouillé des amoureux
Qui le saurait démêler                   
L’encens éveille le parfum du souvenir
Mais si rien ne doit nous unir 
Tant que sonnent les heures
Pourquoi ces charmes qui bouleversent les cœurs
 
Lunes et fleurs, fleurs et lunes
Juge à la lumière du cœur
Lune et fleurs, fleurs et lune
 
Dans le monde sublunaire,
Sur des bancs glacés, de pierre, 
J’ai tant attendu, que mon sarment se meurt 
Pour les belles de jour jaillissait le matin
Sur les belles de nuit coulait le crépuscule
En mon corps s’amoncelaient mille aiguilles de pin
N’ai-je pas un cœur ? 
 
En haut, lentement passe le temps 
Deux horloges deux altitudes, vraiment
Les sentiments viennent du vent
Pollen et brise de printemps
 
Mes joues flétries des rayons d’or, 
Mes paumes érodées par les vents
Nulle sève ne monte plus sous l’écorce
Car l’amour, cuivre de l’érable
S’est écoulé, si périssable
 
Les hommes ne sont plus des hommes, les hommes ne sont plus les hommes
Mais quand les hommes ont-ils été des hommes
 
Au moment de l’enfant quand j’ai eu mon enfant
Je pense que ça se produira quand je mourrai
Ceux qui ne sont pas aimés font d’horribles rêves, 
N’est-ce pas ?
 
Au printemps, disais-tu 
Le vin nous verserait une douce ivresse
L’écheveau de soie embrouillé des amoureux
Qui le saurait démêler
 
Je me souviens d’années entières, morte
Être positivement personne 
Ivre de douleur   
Poumons en fleur
 
L’étoile fixe et l’étoile errante se pulvériseront
Quand les belles de nuit fleuriront 
Au paysage de neige
Rendez-moi la tempête et la neige
Les longues ténèbres de l’hiver
Rendez-moi 
Les longues nuits désolées
De l’été, de l’hiver, de l’été en hiver
Rendez-moi la douceur 
 
Si je n’ouvrais la porte à personne 
Les gens qui n’attendent pas se sauvent
Si je n’ouvrais la porte à personne 
Tandis que j’attends et marmonne 
Sous les vergers de flore et Pomone  
 
Le sépale soupire après le flocon nuptial
Les pétales aspirent au cuivre glacial
 
Où a sombré la moitié de la douleur sororale ? 


BERCEUSE


 
Dors, mon âme, dors, mon ange
L’astre fauve a sombré sous
Les frondaisons noires aux mésanges 
Dors, mon âme, à l’heure étrange. 
 
Dans le jardin vacillent 
Les églantiers en fleurs 
Sur le tapis persan 
S’épanouissent nos pupilles 
 
Tout est couvert 
D’argent lunaire 
Et tous les monts 
Se sont faits mer 
 
Sous le bruissement innombrable 
Palpite un seul cœur 
 
Le jardin dans la nuit 
Vibre et ruisselle, gris 
Sous le tremble, 
Nos mains nouées 
Les grues se sont envolées 
 
En goules se sont changées 
Des falaises se sont précipitées 
A ma porte, mille démons 
Mais je n’ouvre pas 
 
Je rêve, mais de quoi ? 
Lumière enténébrée 
Assassin amoureux 
Séraphin ombrageux 
Ne tremble pas, mon cœur 
 
Laissons sur le rivage
Les mille enfants d’Hypnos
Leurs silhouettes, comme flammes
Brûlent, brûleront ensemble
 
Et des profondeurs du Léthé
J’entends déjà l’amour frapper
A ma porte, mille placets
Mais je n’ouvre pas
 
Que faire ? Nous sommes hantés.


LUEURS NOMADES


 
Nous ne nous verrons plus sur terre 
Je reprends le lacis escarpé d’or et de poussière 
Comme entre mes mains les grains d’or égrainés 
Les frémissements des étoiles sont comptés 
 
Ta voix ne m’appellera plus jamais 
Que c’est beau la rumeur des villes à mes pieds 
Mais sur le mont au pommier 
Seule la flamme bleue du réchaud pour le thé familier 
 
Je veux attendre qu’il soit vraiment trop tard
Les années me reprendront ta voix, ton regard 
Avant que s’effondre l’ultime rempart 
Du monde où sans fin je m’égare
 
Lueurs nomades 
Feux follets aux pieds des monts pales 
Nébuleuses passées 
Amours perdues glacées
Rosée du monde 
Monde de rosée 
 
Dans les ténèbres de la terre, de la mer 
Orion et astre polaire, ne serviraient de rien 
Ma constellation circumpolaire me montre le chemin 
Non celui du monde, non celui du monde
 
Qu’on jette mes cendres au vent 
Qu’on pille mon bien
Ce monde est vanité, vraiment
Medjnun sans Leila
Je ne compte plus mes pas
Ils sont Myriades et larmes de pléiades
 
A l’ombre des regards 
L’orbe de mes prunelles 
De cendres d’or se pare 
C’est le vol obscur 
Des météores au firmament 
Sur Jupiter et saturne 
Il pleut des diamants
 
Lueurs nomades 
Feux follets aux pieds des monts pales 
Nébuleuses passées 
Amours perdues glacées
Rosée du monde 
Monde de rosée 


SÖĞÜDÜN SÖĞÜDÜN SÖĞÜDÜN

Dans le sort inconnu
Combien d’heures douces, encore ?
Dans ses bras
Combien d’étreintes, mon corps ? 
Ô, Bonheur incommensurable
Baisers comme grains de sable
 
Lui l’ineffable, lui le plus fort
Moi l’indomptée, la pyrophore 
À sa vaillance, j’avais voué 
Mon cœur et mon sort
 
Mais à l’heure sourde de la nuit 
Heure très étrange où rien ne luit
Que du vin l’invisible esprit 
Mon très doux ténébreux se fit
 
Immarescible était la fleur 
Insubmersible le bonheur
Mais imparable quand sonne l’heure
Les coups du sort et puis les heurts 
 
Celui que j’aimais devint fou
Souffla son fol amour d’un coup 
À mon cœur changé en caillou 
Il se vint meurtrir, le loup
 
Mets à mon lit les draps de noces 
Comment j’ai perdu son cœur, je ne sais 
Mais de bel ange en bête féroce 
Éros soudain s’est changé
Mets à mon lit mes draps de noces 
La pluie n’en finit pas de tomber


LA VALSE DES OMBRES

En nos cœurs désastrés
Blessures cousues d’or
L’adieu malgracieux
C’est la mort
Du baiser des violettes
Aux orbites du squelette
Épitase secrète 
 
Valsent les ombres et dansent les chagrins
Passent les heures
Mais demeure ma joie, demeure.
 
S’étanchant d’amour, en pale somnambule, 
La soif inonde, au fleuve où l’on brûle
Lors, succombant aux charmes sans nombre
Rien en nos mains qu’un spectre et une ombre
 
Oreste aime Hermione 
Qui aime Pyrrhus 
Qui aime Andromaque 
Qui aime Hector 
Qui est mort
 
Pan aime Echo 
Qui aime Narcisse 
Qui aime son reflet dans l’eau 
 
Viola aime Orsino 
Qui aime Olivia 
Qui aime Cesario
Qui est Viola 
 
Lysandre aime Helena 
Qui aime Demetrius 
Qui aime Hermia 
Dont la reine Titania 
Aime Bottom 
Qui est un âne
 
Simulacra per auras


IKIZIM – This seemed to begin an age

 
Dans la vie, il arrive un moment où tout est mis en doute
Le mariage qu’on a fait, les amis qu’on a 
 
Yagmur, yagmur
Ikizimin ağlıyorum.
 
Hier, il y a mille ans
L’hiver était fou de douceur
Les oiseaux se cognaient aux fenêtres 
Il y eut des jours incroyablement bleus
Nous vivions comme en rêve 
Le ciel était ivre de lumière 
Hier, il y a mille ans 
 
Voici que depuis des jours, des semaines
Le chagrin creuse des trous au fond de mon cœur
 
J’ai entendu le sel de tes larmes 
S’effondrer sur le sol
J’ai vu des sphinges en flamme
Implorer leur envol
Dans tes yeux pleins d’alcool 
 
Dans les ramures aux goélands argentés 
Le reflet de tulipes empourprées
Notre enfance à l’ombre du saule et du noisetier 
Grenade, myrte et secrets 
Au dedans mille blessures 
Sous les toits, les harpies déambulaient
 
Ca a commencé comme ça
This seemed to begin an age
Between us
Some freedom of thought and speech seemed born


VOYAGE D’AUTOMNE 

 
 
Si j’étais un joli châle brodé,    
Je m’enroulerais autour de ton cou
Chaque jour je l’embrasserais
Si j’étais un châle
 
Si j’étais un châle
Si j’étais autour de ton cou
Si j’étais le rubis qui orne ton corsage
 
Ultime demeure, cinq pieds de frondaisons monochromes 
Elle va sans toit ni tombe, la mésange d’automne 
Le vent bleu d’orient dans ses paumes
Sur l’ardoise du ciel, les éclairs fredonnent
De silencieux psaumes